Sommaire :
En matière de marché public, et plus particulièrement pour les marchés publics d’assurance, le Conseil d’État apporte deux précisions avec, d’une part, l’office du juge et sa possibilité d’adresser des injonctions dans le cadre de l’exécution d’un marché. D’autre part, dans le cadre d’un marché public d’assurance, sur l’exercice de la faculté de résiliation unilatérale de l’assureur.
Objet :
CE, 12 juillet 2023, n° 469319, Grand port maritime de Marseille
Sources :
CE, 30 mai 1913, Préfet de l’Eure, n° 49241 ;
Article L.521-3 du Code de justice administrative (CJA) ;
Articles L. 113-12 et L. 113-14 du Code des assurances.
CE, 28 dec. 2009, Cne de Béziers, n° 304802
Analyse :
Le Conseil d’État rappel la théorie de l’incompétence négative posée par la jurisprudence Préfet de l’Eure (CE, 30 mai 1913, n° 49241), concernant les marchés publics, en indiquant qu’il :
« N'appartient pas au juge administratif d'intervenir dans l'exécution d'un marché public en adressant des injonctions à ceux qui ont contracté avec l'administration, lorsque celle-ci dispose à l'égard de ces derniers des pouvoirs nécessaires pour assurer l'exécution du contrat, »
Toutefois, le Conseil d’État émet un tempérament à ce principe en indiquant que :
« Il en va autrement quand l'administration ne peut user de moyens de contrainte à l'encontre de son cocontractant qu'en vertu d'une décision juridictionnelle. En pareille hypothèse, le juge du contrat est en droit de prononcer, à l'encontre du cocontractant, une condamnation, éventuellement sous astreinte, à une obligation de faire. En cas d'urgence, le juge des référés peut, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, ordonner au cocontractant, éventuellement sous astreinte, de prendre à titre provisoire toute mesure nécessaire pour assurer la continuité du service public ou son bon fonctionnement, à condition que cette mesure soit utile, justifiée par l'urgence, ne fasse obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative et ne se heurte à aucune contestation sérieuse. »
Le Conseil d’État énonce ainsi que le prononcé d’une décision juridictionnelle permet au juge administratif de prononcer des injonctions de faire. Cela est également possible via le référé mesure-utile prévu à l’article L. 521-3 du CJA, et sous réserve de respecter les conditions posées par le texte, et pour soit assurer la continuité d’une mission de service public, soit son bon fonctionnement, et qu’il n’y a aucune contestation sérieuse.
Concernant plus précisément les marchés publics d’assurance. L’article L. 113-12 du Code des assurances permet à l’assureur de résilier unilatéralement un contrat d’assurance, sous certaines conditions liées au délai et à la notification posée à l’article L. 113-14 du même Code.
Toutefois, le Conseil a été amené à neutraliser cette faculté de résiliation conféré à l’assureur en énonçant que :
« Il résulte de ces dispositions que l'assureur a la faculté de résilier unilatéralement le contrat à l'expiration d'un délai d'un an suivant sa conclusion, avec un préavis d'au moins deux mois. Le contrat peut prévoir une durée de préavis plus longue lorsque l'assuré est une personne morale. Ces dispositions sont applicables aux marchés publics d'assurance. Il résulte toutefois des principes généraux applicables aux contrats administratifs que lorsque l'assureur entend en faire application pour résilier unilatéralement le marché qui le lie à la personne publique assurée et que le contrat ne prévoit pas un préavis de résiliation suffisant pour passer un nouveau marché d'assurance, la personne publique peut, pour un motif d'intérêt général tiré notamment des exigences du service public dont la personne publique a la charge, s'y opposer et lui imposer de poursuivre l'exécution du contrat pendant la durée strictement nécessaire, au regard des dispositions législatives et réglementaires applicables, au déroulement de la procédure de passation d'un nouveau marché public d'assurance, sans que cette durée ne puisse en toute hypothèse excéder douze mois, y compris lorsque la procédure s'avère infructueuse. L'assureur peut contester cette décision devant le juge afin d'obtenir la résiliation du contrat. »
Ainsi, en premier lieu, les dispositions concernant la résiliation unilatérale de l’assureur sont pleinement applicables aux marchés publics d’assurance.
En deuxième lieu, la personne publique partie au marché peut s’opposer à la résiliation unilatérale de l’assureur, sous réserve de démontrer l’existence d’un motif d’intérêt général, pour une durée strictement prévue et nécessaire à la passation d’un nouveau marché. Il demeure toutefois un plafond d’une année pour trouver un nouveau marché, et ce malgré une procédure infructueuse pour conclure un nouveau marché.
En troisième et dernier lieu, l’assureur peut contester cette opposition à résiliation par le biais d’un recours Béziers I (CE, 28 dec. 2009, Cne de Béziers, n° 304802).
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