Sommaire :
Le juge administratif a pu préciser, dans le cadre de marchés publics de travaux, l’office du juge des contrats à l’égard de l’établissement d’un décompte général, mais également le régime juridique de la réception de l’ouvrage et du décompte général et définitif.
Objet de l’étude :
CAA Versailles, 5e Ch, 5 oct. 2023, n°20VE02028, Sté GTB Entreprise c/ OPIEVOY
Analyse :
En matière de marchés publics de travaux, le contentieux du décompte général relève du juge du plein contentieux. Pour autant, le juge administratif précise que le juge du contrat ne peut juger nul et non avenu l’établissement d’un décompte général :
« Il n'appartient pas au juge du contrat, saisi d'une contestation sur l'établissement du décompte du […], de juger nul et non avenu le décompte général qu'il a établi ».
De plus, le juge administratif a pu revenir sur le régime juridique de la réception d’un ouvrage et de ses conséquences dans les relations entre le maître d’ouvrage et les constructeurs :
« la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve. Elle met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage. La réception interdit, par conséquent, au maître de l'ouvrage d'invoquer, après qu'elle a été prononcée, et sous réserve de la garantie de parfait achèvement, des désordres apparents causés à l'ouvrage ou des désordres causés aux tiers, dont il est alors réputé avoir renoncé à demander la réparation.
Dès lors, sous réserve de la garantie de parfait achèvement, la réception de l’ouvrage ne permet pas au maître d’ouvrage de soulever, à l’encontre des constructeurs, des désordres apparents causés à l’ouvrage ou aux tiers. Le juge administratif poursuit en énonçant que :
« Il en va ainsi, s'agissant des dommages causés aux tiers, et sauf clause contractuelle contraire, alors même que le maître de l'ouvrage entendrait exercer une action en garantie à l'encontre des constructeurs à raison de condamnations prononcées contre lui au profit de ces tiers, sauf dans le cas où la réception n'aurait été acquise à l'entrepreneur qu'à la suite de manœuvres frauduleuses ou dolosives de sa part ».
Ainsi, par principe, quand bien même le maitre d’ouvrage entendait intenter une action en garantie du fait des dommages causés aux tiers, celui-ci ne peut se retourner contre les constructeurs. Les seules exceptions à ce principe sont lorsqu’une clause contractuelle stipule l’inverse ou que l’entrepreneur a obtenu la réception par fraude.
Le juge ajoute néanmoins une précision quant au régime de la réception en indiquant clairement que :
« La réception ne met toutefois fin aux obligations contractuelles des constructeurs que dans cette seule mesure et demeure ainsi, par elle-même, sans effet sur les droits et obligations financiers nés de l'exécution du marché, à raison notamment de retards ou de travaux supplémentaires, dont la détermination intervient définitivement lors de l'établissement du solde du décompte définitif. Seule l'intervention du décompte général et définitif du marché a pour conséquence d'interdire au maître de l'ouvrage toute réclamation à cet égard ».
Il en résulte que l’extinction des obligations, du fait de la réception, entre le maître de l’ouvrage et les constructeurs, ne vise que les désordres apparents et les dommages causés aux tiers. A contrario, les droits et obligations de natures financières demeurent encore existantes. Seul l’acception du décompte général et définitif, expresse ou tacite, met fin à ces droits et obligations.
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