Sommaire :
Le juge administratif a pu préciser la grille de lecture à suivre concernant l’appréciation d’une atteinte susceptible de fonder un refus d’octroi d’une autorisation d’urbanisme, tout retenant l’application du critère de covisibilité pour l’appréciation de la qualité du site et de l’impact de la construction lorsque celle-ci se situe proche d’un bâtiment remarquable. Enfin ce dernier précise les conditions tenant au statut de l’autorité compétente pour procéder à une évaluation environnemental d’un projet.
Objet de l’étude :
CE, 6e Ch, 19 oct. 2023, n°466286, asso Les Hauts de l'Auxois et autres
Sources :
a. Article R. 111-27 du Code de l'urbanisme ;
b. Article 6 Directive du 13 décembre 2011 ;
c. CJUE, 20 oct. 2011, aff.C-474/10.
Analyse :
L'article R. 111-27 du Code de l'urbanisme nous indique qu’un projet peut faire l’objet d’un refus, ou de réserves, si les constructions sont de nature à porter atteinte au caractère ou l’intérêt des lieux voisins, ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentales. Pour le Conseil d’État, il résulte de cette disposition que :
« Pour rechercher l'existence d'une atteinte de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé, dans le second temps du raisonnement, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux mentionnés par cet article et, le cas échéant, par le PLU de la commune ».
Le Conseil d’État nous livre ici la grille de lecture à suivre pour apprécier l’atteinte susceptible de fonder un refus de permis avec l’appréciation de la qualité du site, et puis l’impact de la construction. En revanche, il n’est pas possible de prendre en compte les intérêt divers en présence lors de l’appréciation de l’impact de la construction sur le site.
Le juge administratif poursuit en proposant la méthode d’appréciation concernant la qualité du site et l’impact de la construction envisagée :
« Pour apprécier aussi bien la qualité du site que l'impact de la construction projetée sur ce site, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, de prendre en compte l'ensemble des éléments pertinents et notamment, le cas échéant, la covisibilité du projet avec des bâtiments remarquables, quelle que soit la protection dont ils bénéficient par ailleurs au titre d'autres législations ».
Il en résulte que l’appréciation de la qualité du site, et de l’impact de la construction, doivent prendre en compte la covisibilité avec des monuments historiques, de manière général un bâtiments faisant l’objet d’une qualification spécialement prévue par un texte (notamment du Code du patrimoine).
La Haute juridiction poursuit cette fois-ci concernant l’étude d’impact résultant de l’article 6 de la directive du 13 décembre 2011, tout en reprenant la jurisprudence de la CJUE sur ce point (CJUE, 20 oct. 2011, aff.C-474/10) :
« Il résulte clairement des dispositions […] que, si elles ne font pas obstacle à ce que l'autorité publique compétente pour autoriser un projet soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, elles imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce que l'entité administrative concernée dispose d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui soient propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée en donnant un avis objectif sur le projet concerné ».
Le juge poursuit en précisant l’hypothèse où le préfet constitue l’autorité compétente pour délivrer une autorisation d’urbanisme
« Lorsque le préfet de région est l'autorité compétente pour autoriser le projet, en particulier lorsqu'il agit en sa qualité de préfet du département où se trouve le chef-lieu de la région, ou dans les cas où il est chargé de l'élaboration ou de la conduite du projet au niveau local, si la mission régionale d'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable, […], peut être regardée comme disposant, à son égard, d'une autonomie réelle lui permettant de rendre un avis environnemental dans des conditions répondant aux exigences résultant de la directive, il n'en va pas de même des services placés sous son autorité hiérarchique, comme en particulier la DREAL ».
Il en résulte qu’il incombe au juge de vérifier, à la demande d’un requérant, si l’autorité compétent ayant délivré l’autorisation ne soit pas organiquement la même que celle procédant à l’évaluation environnementale de ladite autorisation. Cette dernière doit dès lors disposer d’une réelle autonomie, excluant ainsi la DREAL. À défaut, il s’agit d’un vice de procédure.
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